En 1557, le duc Emmanuel Philibert, victorieux
des armées françaises à Saint-Quentin, rentre dans ses Etats.
Il va mettre en uvre de grandes
réformes, l'une importante, la suppression des troupes mercenaires, pour les remplacer
par des milices locales.
L'Edit de Verceil est clair :
"Nous avons décidé d'établir des gens de guerre qui soient nos propres
sujets. Ils ne serviront pas comme mercenaires mais comme en leur cas propre pour la
défense de leur prince et de leur patrie".
Les paysans s'habitueront plus ou moins vite
à l'idée d'aller au régiment et toute la noblesse savoyarde fera du service aux armées
du prince une de ses grandes traditions.
Le duc Charles-Emmanuel poursuivra l'uvre de son père en créant des
régiments permanents de volontaires.
En 1660, naîtra la Brigade de Savoie, confirmée par un décret ducal de 1664. En
hommage à Saint-Maurice, son premier cri de guerre sera :
"SAVOIE SAINT MAURICE"
Cette Brigade aura pour particularité de
porter toujours, quel que soit le changement d'uniforme, une cravate rouge la distinguant de tous les autres corps.
Pour son recrutement, les officiers
choisissaient dans chaque paroisse, parmi les hommes de 20 à 30 ans, de taille égale,
les plus robustes, les mieux tournés.
Dans la longue guerre de plusieurs années
contre les Français de Louis XIV, la Brigade de Savoie se signalera avec éclat.
Lors de la prise de Nice en 1691 par Catinat, on laissera sortir le détachement Savoie avec les
honneurs de la guerre.Elle pourra tirer
gloire de sa magnifique résistance à Cuneo
où, pour aider les assiégés, un fort détachement de Savoie pénétrera dans la place.
Elle défendra vaillamment Montmélian et Verceil.
Dans la malheureuse bataille de Staffarda, le régiment de Savoie en 1ère
ligne perdra en quelques heures son colonel, plusieurs capitaines et un grand nombre
d'hommes.
Elle sera présente dans Turin en mars 1706,
quand les Français assiègeront pendant quatre mois la capitale des Etats de Savoie.
Le régiment de Savoie est alors réduit à un bataillon de 576 hommes.
Pour dégager la ville, les cravates rouges tenteront 34 sorties. Le 26 août, les
Français sortent de leur retranchement pour une attaque qu'ils veulent décisive.
Dans ce furieux combat de nuit, les Savoyards semblent faiblir. Leur héroïque major de Seyssel d'Aix ranime leur bravoure, l'ennemi
ne passera pas.
Importantes pertes pour la Brigade de Savoie : une centaine d'hommes, des capitaines,
des lieutenants, des blessés en grand nombre.
L'arrivée du Prince Eugène et ses troupes
va changer le sort des assiégés. Bataille victorieuse le 7 septembre 1706, livrée par Victor Amédée II et le Prince Eugène, délivrant Turin.
Dans le calme des jours suivants, Favre, brave soldat blessé, écrit à son père à
Abondance : "Envoie-moi une douzaine de fromages d'Abondance et de l'argent pour
m'acheter une jambe de bois".
Le Duc Victor Amédée avait fait vu, si
Turin était délivrée, de construire une basilique. La "superga", merveille
architecturale, est l'accomplissement du vu.
Le roi Charles Emmanuel, allié des Anglais
et du Saint-Empire, se défend contre les Français et leurs alliés espagnols.
Ces soldats espagnols occuperont la Savoie pendant 6 ans, ne laissant pas bon souvenir.
La guerre se déroule dans les hautes vallées de la Varaita du moins- de la Stura. La Brigade de Savoie, partout présente au
combat, perdra son colonel de Seyssel, son
capitaine-major, une vingtaine d'officiers et de nombreux hommes mais s'illustrera à la
bataille de Campo-Santo, de la Bagnina, de
Notre-Dame de l'Olmo.
Les forces franco-espagnoles, parties de Briançon, marchent sur Turin. Les cols alpins
sont défendus par de grandes forteresses telles que Fenestrelle, etc.
Les Français tentent le passage le long de la Crête qui sépare le Val de Suse, du Val Chisone.
La défense a été confiée aux avant-gardes savoyardes et piémontaises, composées de
7 bataillons alors que l'ennemi en avait 39. Sur le Col de l'Assiette, à 2600 mètres d'altitude,
ils construisent des tranchées, des murets de pierre de palissades.
Le 17 juillet 1747, il recevront là, à 5 reprises, le choc des assaillants qui lors de
la dernière attaque seront refoulés définitivement après la mort de leur chef le Marquis de Belle Ile. Cette bataille du Col de l'Assiette, devenue mythique, est encore
célébrée de nos jours. Elle sauva le royaume de Sardaigne que s'étaient partagé
d'avanceespagnols, français et autrichiens.
Le 22 septembre 1792, le Général de
Montesquiou, avec les troupes françaises de la Révolution, envahit et occupe toute
la Savoie qui devient, en décembre, le 84ème département français.
Pourtant, en Piémont, de 1793 à 1796, la guerre continuera, dans les montagnes, dans
les vallées alpines, contre les envahisseurs.
En octobre 1794, dans une escarmouche près d'Argentera, le caporal savoyard "sans
Souci" sera médaillé pour avoir, à lui seul, arrêté l'ennemi, dans un
étroit sentier, assez longtemps pour sauver 13 mulets chargés.
Le sergent Claude-François Carset, blessé
à la main droite, répond aux camarades qui le plaignent "Sancro y me reste enco
la man gaussa pe le service dou Ré".
Suivent des combats héroïques du Col de la
Coletta, etc.
En 1796, Bonaparte commande en chef
l'armée française d'Italie.
L'Armistice de Cherasco met un terme provisoire aux
combats. La petite armée sarde a lutté vaillamment. Le bataillon de Savoie a subi de
très grosses pertes. En février 1797, le directoire français oblige le gouvernement
sarde à fournir un corps d'auxiliaires à l'armée d'Italie : 461 hommes du 2ème
bataillon de Savoie en feront partie. Beaucoup s'illustreront dans des combats héroïques
et seront par la suite décorés de la Légion d'Honneur.
A la chute de l'empire en 1814, Janus de Sonnaz,
originaire de Thonon-les-Bains, lance un appel pour faire renaître la Brigade de Savoie.
En 1848, le roi Charles Albert pour
répondre à l'appel de la Lombardie menacée, entre en guerre avec l'Autriche.
Dans ces deux malheureuses campagnes, la Brigade de Savoie sera présente avec
efficacité avec ses meilleurs chefs. Elle s'illustrera le 30 avril à Pastrengo.
On commémorera la bataille de Sona par une
plaque gravée, portant inscrit :
"Le 23 juillet 1848, le 2ème Régiment de Savoie, formant une digue
devant l'irruption de 3 brigades autrichiennes, permis la retraite ordonnée des
italiens."
Guerre de Crimée
En 1854, Français, Anglais, Turcs, alliés, se
battent contre les Russes en Crimée, presqu'île du Sud de la Russie, sur la Mer Noire.
La guerre se prolonge plus que prévue, marquée de combats meurtriers. [Celui de l'Alma, immortalisé par le zouave du Pont de
l'Alma à Paris].
Les alliés s'épuisent. Le roi Victor Emmanuel
contracte alliance avec eux. Un corps expéditionnaire s'organise. Dans ce corps de 18'000
hommes on incorpore les 3ème et 4ème bataillons de la Brigade de
Savoie.
A Alexandria, le 18 avril 1855, remise des drapeaux au corps expéditionnaire qui
s'embarque à Gênes. Un Savoyard demande à son sergent :
"L'Empereu de Russie sa te que lou cravata rojo arve ?"
"Oua, bétian, lu a dai"
"Ta qué la dai ?"
"On e fotu"
Débarquement dans
le port de Balaklava où le choléra commence ses ravages. Au choléra, s'ajoutent
bientôt typhoïde, malaria, scorbut.
Le corps sarde perdra 2'000 hommes par maladie.
Pour atteindre Sébastopol où sont
retranchés les Russes, on livre bataille autour de la rivière Tchernaïa. Les Sardes,
installés sur un piton,"Le rocher des
Piémontais", vont se distinguer grâce à leur artillerie.
Les Russes battent en retraite, poursuivis par les Français et les Savoyards commandés
par le Colonel savoyard Mollard.
Victoire de la Tchernaïa, au lourd bilan :8'000 morts.
Le campement s'organise, le ravitaillement s'améliore. La polenta sera sujet de
discorde entre les Piémontais qui la mangent dure et les Savoyards qui la mangent molle.
En septembre 1855, les Français emportent la tour de Malakoff qui défendait Sébastopol.
Fin mai, toutes les troupes sardes ont rejoint leur patrie en vainqueurs.
A son retour, la Brigade de Savoie défile à Chambéry en chantant pour la première
fois "Les Allobroges".
La campagne franco-sarde de Lombardie contre
l'Autriche, en 1859, scellera le sort de la Savoie et de la future Italie. La Brigade de
Savoie y participera avec une extraordinaire efficacité.
Le 29 avril 1859, la guerre éclate.
D'un côté, l'armée austro-hongroise : 118'000 hommes.
En face, les Français de Napoléon III :
107'000 hommes et l'armée sarde : 67'000 hommes. Parmi ceux-ci, la Brigade de Savoie
commandée par le Colonel Louis Perrier : 3754
hommes.La guerre durera deux mois.
Les troupes franco-sardes s'éloignent du Piémont, en direction de Milan, poussant
devant eux les Autrichiens qui se dirigent vers le lac de Garde, vers leurs formidables
places fortes Mantoue Segnano
Vérone Porcheira.
Au cours de cette marche éprouvante, des accrochages meurtriers : Montebello, Palestro, Magenta,
prise de Milan, et des faits extraordinaires,
entre autres celui du Capitaine Delavenay, de la Roche-sur-Foron, qui, avec quelques
hommes, fait prisonniers sans coups férir d'abord les officiers d'une compagnie ennemie,
a obligé leurs hommes à déposer leurs armes et à se constituer prisonniers.
L'armée autrichienne se regroupe au sud du lac
de Garde.
Le 24 juin,combats sur un front de 20 km.
En plaine, les Français engagés sur un terrain dominé par la tour de Solferino.
Dans les collines voisines, les Sardes attaquent San
Martino et la Madona della Scoperta,
positions clés.
Le Général Mollard, d'Albens, dirige l'attaque.
La Brigade des Grenadiers de Sardaigne commence à fléchir quand arrivent les cravates
rouges de la Brigade de Savoie. Au pas de charge, battu avec vigueur par les tambours,
elle traversa, superbe, les intervalles des compagnies qui l'acclameront par une
formidable attaque à la baïonnette. Elle repoussera l'ennemi jusque sous les murs de la Madonna della Scoperta, récupérera tout le
terrain perdu, restant maîtresse du terrain conquis.
Le Colonel de Rolland venait de remplir la
dernière page et non la moins glorieuse de l'histoire de la Brigade des cravates rouges.
Le 25 juin, devant ce charnier couvert de morts et de blessés, 45'000 hommes hors de
combat, Napoléon III arrête la campagne. Le
Genevois Henri Dunant, qui était sur place,
décide de créer la Croix Rouge.
La Brigade de Savoie rejoint sa garnison de Turin où elle fut reçue avec un énorme
enthousiasme aux cris de "Vive les cravates rouges".
Pendant les deux siècles de son existence, la Brigade de Savoie a combattu sur tous les
fronts pendant 92 années.
Le 1er avril 1860, Victor Emmanuel II
relève les Savoyards de leur serment de fidélité. Un référendum est alors organisé
à Turin. Le résultat est le suivant :
Sur 6'350 votes :
6'033pour la France
283pour l'Italie
34nuls
La Savoie redevient française.
Les officiers et soldats savoyards, passant du service du roi de Sardaigne au service de
la France, furent admis à prendre rang dans le cadre français, chacun suivant son
ancienneté de grade et de rang.