- Tout était
bouleversé. Bon Dieu ! quelle fournaise ! ...
- De çà, de là,
les canons ronflaient.
- Partout à
travers champs, les balles sifflaient,
- Se plantaient au
képi comme des guêpes mauvaises.
- Les Autrichiens
étaient tous venus ! Une bande de Sarrazins,
- Ça ne connaît
point de pitié, ni mère, ni conscience,
- La colère du
Bon Dieu, le reste de sa vengeance,
- Des sauvages à
face brûlée, noirs comme des mûres.
- Ça n'allait pas
tout seul... Avec les yeux dans le feu
- Il fallait aller
en avant, de la boue jusqu'aux cuisses.
- Les andains
brandissaient ; la partie est perdue !
- Il faut
s'attendre à tout quand le diable s'en mêle.
-
Puis, que faire, mes enfants ?... Avec
cette bande de loups
- Nous étions des grillons pris dans un trou de taupe.
- Assez dit ! Il fallait qu'un des deux passât sous le joug,
- Ou tombât contre terre la tête la première .
-
- Les forts parmi les forts parlaient de drapeau blanc...
- Le roi de Piémont, parait-il, pleurait dans ses moustaches,
Garibaldi, le barbu, gémissait doucement
- D'être pour la première fois pris pour un lâche.
-
- Tout d'un coup, dans les maïs, d'une voix de tonnerre,
- Un capitaine s'allonge sur la tête de son cheval !
- " La brigade de Savoie !... où est-elle, cré tonnerre ?
- Enfants, ne reculez pas : hardi ! arrivez tous !
- Un coup de collier, cré nom ! Hardi ceux de Savoie
- Il faut leur faire le poil, ou mourir ! ... Et capoè i"
- Et du fond des champs de riz, et du fond des champs de maïs,
- De partout, on voit sortir, tout droits, les Savoyards,
- Tous ceux non encore morts, aux jambes encore chaudes.
- Ceux qui n'ont jamais su ce que veut dire " renâcler
"
- Vérons, Chablaisiens, Thônains, Faucignerands,
- Rumilliens, Beaujus, Tarins, Mauriannais, Seysselands,
- Les patauds de la Semine, les francs buveurs de la Montagne,
- Les cordonniers d'Alby, les Bornens, les Gavots...
- Des sapins de Cordon aux vignes de la Chautagne,
- Tous sont venus ! ...
- " ... Capitaine, on les secoue ! "
-
En avant ! la Savoie ! Et les
Garibaldiens
- Regardaient passer droits comme un mu-raille La poignée de
Savoyards contre les Sarrazins
- Se lancer, tels des taureaux, au milieu de la mitraille.
-
- Ils n'ont pas fait deux plis... A la pointe du jour
- Les Sarrazins, laissant leurs canons, leurs cliéfoires,
- Les deux cuisses serrées, étaient déjà partis,
- Au grand galop, retourner en Hongrie.
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- Y été tot sè
dsu-dzo, Bon Diou ! quinta fornaise!.,.
- Pé l'damo, pé
l'dava, lô canons ronfliivont.
- Partot, travé
lô champs, les balles pioulivont,
- S' pliantivont
dié l'képi, comme d'ouêpes mauvaises.
- L'Z'Autricchïens
t'ont tô venus ! Na tropa d'Farazhins
- Cë n'cogniet
pouë d'pédia ni mâre, ni conchènce,
- La colère du
Bon Diu, et l'resto d'sa méçhènce,
- D'sauvazhes, à
grouë brulâ as né que d'pétazhins.
- N'y allâve pas
tot solet... Avoué lô jus diê l'foa
- Follé marçhi
d'l'avant, d'borda jusqu'é patalles,
- Et l'zandé s'
fassont grands ; la partia z'est pardioa !
- E faut
s'attèdr'a tot, quand y est l'diablio qu'tarballe.
-
- Poué, qu'faire, mô z'efants ?... Avoué lla bêda
d'leups
On n'tè prè cmé d'grïllets diè l'cro d'na
zharbonire.
Y est preu det ! Ion dé dou : fallè passâ
dzo l'zheu,
U tombâ par tieba, la téta la promire !
-
Lô p'lurons dé lurons parlivont
d'drapeau blianc...
- Parait que l'Ré d'Pïmont plieurâve diê sô mostâches,
- Garibaldi l'barbu n'ê gemssive, à plian,
D'étre pe l' promi coup, d'étr' â nom
seudâ lâche.
-
- Tot d'on coup, diè les gaudes, avoué na voué d'tonnero.
- On capitaine s'étouille, su ta téta d'son çhevau :
- "La Brigâda d'Savoué ?... Yo tou qu'l'est,
cré tonnerro ?
- "Zèfants, faut pas capnâ : hardi ; amanâ vô
!
- "On coup d'borè, carogne ! hardi ! llo d'la
Savoué
- "E faut lé manii l'pet, u crapi !... Et Capoë
!"
- Et du fond des çhamps d 'riz, et du fond dé çhamps
d'gaudes
- D'partot, on vê sorti, tot dret, lô Savoyards.
- Tô llo qu'ne sont pas morts, qu'ont les piottes onco
çhaudes,
- Tô Ilo qu 'nont jamais chu ç'que vu dire :
"Arnâclia" :
- Vérons, Chablaizins, Thounains, Faucignerands,
- Capoê, Bojhus, Tarins, Maurianais, Seysselands,
- Lô pattus d'la Semna, lô golus du d'Damo
- Lô Cordani d'Arby, lô Bornê, lô Gavot...
- Dè lô sapins d'Cordon égorllie d'la Çheutagne...
- E sont tô venus....
- " ... Capitaine, on les rnagnië ! "
-
- En avant ! la Savouè !....fit lô Garibaldiens
- Z'arguêtivont passâ, as drèta qu'na moraille
- La pognia d'Savoyards contre lô Farazhins
- S'lanci, comme d'bovets, drava dïè la mitraille.
-
- Et n'ont pas fait dou plii... Et à l'ârba du zho,
- Lô Farazhins, laissê leu bâli, leu z'estricliè,
Les dioé couesses serrées, s'étont netia de
dzo
U grand décime galop, p'artornâ diè
l'z'Hongrilliè.
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